En 2025, le gouvernement s’apprĂŞte Ă transformer en profondeur les missions et les prĂ©rogatives des polices municipales. Ce chantier s’inscrit dans la continuitĂ© du « Beauvau des polices municipales », lancĂ© dĂ©but 2024, et rĂ©pond aux attentes grandissantes des collectivitĂ©s locales en matière de sĂ©curitĂ©, de tranquillitĂ© publique et de reconnaissance des mĂ©tiers de la police territoriale.
Mais avant mĂŞme son passage en Conseil des ministres, le projet de loi a suscitĂ© des dĂ©bats, des attentes, et des interrogations. RetirĂ© temporairement de l’ordre du jour du Conseil supĂ©rieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), le texte est attendu Ă l’automne 2025 pour une prĂ©sentation dĂ©finitive au Parlement.
Dans cet article, Logitud décrypte pour vous les origines du projet, ses grandes lignes, les retours des acteurs du secteur, et les prochaines étapes à venir.
📌 Contexte : pourquoi une réforme des polices municipales ?
La réforme s’inscrit dans une dynamique plus large de redéfinition des rôles des différentes forces de sécurité publique en France. Alors que les polices municipales sont de plus en plus sollicitées au quotidien, leur rôle reste cantonné à certaines missions de proximité, de surveillance de l’ordre public et de prévention.
Pourtant, face à la hausse des incivilités, à la complexité des situations urbaines et rurales, et à la pression croissante sur les forces de police nationale et de gendarmerie, de nombreux maires ont exprimé le besoin de disposer d’une force municipale dotée de compétences élargies.
En réponse, le gouvernement a lancé début 2024 un cycle de concertation baptisé « Beauvau des polices municipales ». Cette initiative a permis de recueillir les propositions de nombreux acteurs : élus locaux, syndicats, représentants de la police municipale, parlementaires, et services de l’État.
🧠Les objectifs affichés du projet de loi
Le futur projet de loi vise à donner un nouveau cadre d’action aux policiers municipaux. Il ne s’agit de mieux les équiper juridiquement et matériellement pour exercer leurs fonctions en lien avec les réalités de terrain.
Voici les cinq axes majeurs qui structurent le projet :
1. Renforcer les capacités juridiques des policiers municipaux
Le projet entend autoriser les agents municipaux à constater certaines infractions qui relèvent aujourd’hui uniquement des forces nationales. Cela inclut notamment les amendes forfaitaires délictuelles, par exemple en cas de consommation de stupéfiants ou de vente à la sauvette.
Cette extension des prérogatives vise à permettre aux maires de mieux répondre à des problématiques récurrentes sur leur territoire, tout en allégeant la charge des services nationaux.
Toutefois, ce renforcement se ferait sous contrôle du parquet et dans le cadre d’une convention avec le procureur de la République, afin de garantir la sécurité juridique des agents et éviter toute dérive.
2. Créer un statut optionnel d’Officier de Police Judiciaire (OPJ) pour les policiers municipaux
C’est l’un des points les plus débattus du projet. Il prévoit la possibilité pour certaines communes, sur la base du volontariat, de désigner des policiers municipaux à fonction judiciaire. Ces agents, spécialement formés, pourraient alors mener des actes d’enquête encadrés (auditions, interpellations dans certains cas, etc.).
Le but est de créer un outil intermédiaire entre la police administrative (dont relèvent les policiers municipaux aujourd’hui) et la police judiciaire, tout en respectant les grands principes de la justice pénale française.
L’AMF (Association des Maires de France) soutient cette proposition à condition qu’elle reste strictement optionnelle et encadrée, sans remettre en cause la complémentarité avec les forces de sécurité de l’État.
3. Revaloriser les métiers de la sécurité locale.
Les policiers municipaux, souvent en première ligne, ne bénéficient pas toujours de la reconnaissance institutionnelle qui devrait accompagner leur mission. Le projet de loi prévoit une revalorisation de leur statut, des formations renforcées, et une meilleure articulation avec les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) et les gardes champêtres.
Ce volet prévoit également d’élargir les missions des gardes champêtres, en leur permettant d’avoir un rôle plus actif dans la vidéoprotection, la gestion des fourrières ou la sécurité environnementale.
4. Clarifier les coopérations entre forces de sécurité.
La coordination entre police municipale, police nationale et gendarmerie reste souvent trop complexe. Le projet entend simplifier et renforcer les conventions de coordination, afin d’éviter les doublons, mais aussi les angles morts dans la gestion locale de la sécurité.
Chaque territoire pourrait adapter ses modalités de coopération, selon sa taille, ses besoins, et la présence ou non de forces nationales sur place.
5. Préserver l’autorité du maire sur sa police
Enfin, le projet affirme une volonté claire : maintenir la police municipale comme un service communautaire placé sous l’autorité du maire. Ce dernier resterait responsable des missions, des priorités et des conditions d’exercice des agents municipaux.
Cette disposition est une réponse directe aux inquiétudes de certains élus, qui redoutaient une recentralisation progressive des missions de sécurité.
🗣️ Ce que disent les élus et les syndicats
La réforme ne fait pas l’unanimité. Si les grandes orientations sont globalement saluées, plusieurs points suscitent des tensions.
L’AMF veut préserver le libre choix des communes.
Dans une note publiée en mai 2025, l’Association des Maires de France a réaffirmé son attachement à la liberté des communes de choisir si elles souhaitent ou non élargir les missions de leurs policiers municipaux. Elle insiste également sur le besoin d’un accompagnement financier et humain adapté à chaque territoire.
Les syndicats tirent la sonnette d’alarme
Les principales organisations syndicales des agents territoriaux dénoncent un risque de judiciarisation mal préparée. Pour eux, donner des pouvoirs judiciaires à des policiers municipaux sans réforme complète du cadre statutaire, des moyens matériels et de la formation serait irresponsable. Ils appellent à un débat plus approfondi avant toute validation du texte.
Le Sénat formule 25 propositions
La commission des lois du Sénat, dans un rapport publié le 28 mai 2025, a formulé 25 propositions pour moderniser les polices municipales. Ces recommandations vont globalement dans le sens du projet, mais soulignent la nécessité de garantir un équilibre entre élargissement des missions et respect de la structure municipale de la police.
🛑 Retrait temporaire au CSFPT : un signal d’alerte
Prévu initialement à l’ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale du 9 juillet 2025, le projet de loi a été retiré à la demande unanime des syndicats et employeurs territoriaux. Ces derniers ont exprimé leur inquiétude face à la rapidité de la réforme et au manque de garanties sur les moyens mis en œuvre.
Ce retrait ne signifie pas l’abandon du projet. Il s’agit d’un report, afin de retravailler certains volets du texte et de trouver un consensus plus large.
Le gouvernement a confirmé qu’une nouvelle version du projet serait soumise à l’automne 2025, avec un examen parlementaire envisagé entre septembre et novembre.
📊 Ce qu’attendent concrètement les collectivités
Selon une enquête menée en avril 2025 par Villes de France auprès de 350 collectivités locales, les priorités exprimées sont très claires :
- 90 % des élus interrogés souhaitent pouvoir dresser des amendes forfaitaires délictuelles (AFD),
- 2 maires sur 3 sont favorables à un statut OPJ/APJ pour leurs agents, à condition d’une formation adaptée,
- 86 % veulent élargir les missions des PM à d’autres domaines (environnement, transports, événements),
- 71 % demandent une intervention accrue des polices municipales en soutien à la police nationale, en cas de troubles à l’ordre public,
- 90 % réclament une interopérabilité des communications avec la gendarmerie et la police,
- Et 66 % souhaitent mutualiser les outils numériques de sécurité avec les forces de l’État.
👉 Une tendance de fond se dessine : les collectivitĂ©s veulent des polices municipales mieux Ă©quipĂ©es, mieux reconnues, plus connectĂ©es, et davantage actrices de la tranquillitĂ© publique.Â
➡️ Quelle suite pour le projet ?
Étape | Échéance |
Prise en compte des retours | Été 2025 |
Nouveau projet de loi | Automne 2025 |
Vote parlementaire | Automne 2025 |
DĂ©crets d’application | DĂ©but 2026 |
Premières expérimentations | Mi‑2026 |
📝 En conclusion
La réforme des polices municipales est un enjeu majeur pour renforcer la sécurité de proximité. Elle répond à de véritables attentes, mais la transformation ne peut réussir que si elle est accompagnée :
- Financièrement, pour équiper et former les agents,
- Techniquement, pour garantir la cohérence et l’efficacité du dispositif,
- Légalement, pour assurer une montée en compétences encadrée.
Sans ces conditions, le risque est grand que seules les grandes collectivités puissent en tirer profit, creusant ainsi les inégalités territoriales.